Mauvaise soirée

Thom · May 22, 2024

Je suis pas mal dépité ce soir.

J’ai cherché un mot pour exprimer mon état et en fait, je ne suis pas sûr que dépité soit le bon. Je suis un mélange de fatigué, démoralisé, en colère, envie de pleurer, je me fais tourner des phrases dans ma tête au point de commencer à les marmonner.

Comme le dit un grand druide « Si tu veux te sortir À la volette de la tête, faut la chanter à voix haute une bonne fois pour toute. »

J’avais pourtant passé une bonne journée. J’ai eu la chance de visiter le site EDF de la centrale nucléaire du Bugey et c’était vraiment bien. On visite les turbines et les générateurs et on se retrouve quasiment au pied du mur des réacteurs. C’est une belle visite et je le recommande chaudement à toutes les personnes qui peuvent la faire.

Semaine un peu différente, ma fille de 7ans au CP est en classe verte et ma femme a été choisie comme accompagnatrice. Je récupère mon 5ans chez la nounou. Et là encore tout est assez classique. Fait un peu moins moche en ce moment et je suis simplement content. Ça reste pas tous les jours facile, mon 5ans est en situation de handicap. Pour mettre des mots, on est sur du TSA avec principalement un retard de langage et deux trois à côté. Een lien : très dur sur la bouffe (purée de patate, nugget et mini-patte-crème-jambon pour trois seul repas avec bib, biscuit et yaourt, compote) , très dur le sommeil (n’a jamais vraiment fait de sieste, s’endort difficilement, mieux depuis qu’on donne de la mélatonine – mais on est encore sur des nuits pour nous qui varient entre 3h pour les mauvaise, 5/6h en moyenne et 8h quand on est bien) et pas propre donc couches… On ne va pas se mentir, l’anniv des 5ans a été un peu plus éprouvant. On le voit grandir et il est de plus en plus difficile de s’imaginer que ça va se décoincer d’un coup comme beaucoup de personnes nous le disent « moi, le mien, il a parlé à 5ans et pfu d’un coup, il parlait ». Ça on en a fait le deuil…

De part nos métier, pour ma femme qui est urgentiste (et avec une thèse en épi-génétique) et pour moi prof de maths en collège rep depuis bientôt 10ans, on a tendance à être pessimiste sur l’avenir parce qu’on sait ce qu’un gamin avec de tels difficultés, ça va pas être marrant, ça va pas être facile et même si on dit la vérité « ça va être très compliqué » pour rester poli… On a un peu de chance, c’est la nounou qui nous alerté rapidement et ma femme qui a mis son cerveau en marche et en pleurs pour comprendre que “oui, ça allait pas forcément au bon rythme”. Du coup, depuis ses deux ans, on a un suivi ortho de 2h par semaines avec des super personnes bien calées sur les TSA. La première année, ça été surtout une guidance parentale pour faire du PACTE. Je crois que heureusement qu’on a fait cette guidance parce que sans elle, on aurait mis beaucoup plus de temps à le comprendre et interagir avec lui. Je pense qu’on l’aurait vraiment marbré souvent quand simplement, il n’écoutait pas ou ne faisait pas ce qu’on attendait. La guidance parental, c’est bien. Je crois qu’on devrait en parler plus souvent aux parents… Mais après c’est vrai, que ça prend du temps. J’ai un edt où je finis tôt certains jours, ma femme a des repos… Donc, on a essayé d’assurer toutes les séances. Vraiment toutes. Pendant les vacances, on y va. En plus, on a aussi une séance de psychomot par semaine. On a eu de la chance pour incorporer une étude et faire, faire des tests… Bref, c’est une grosse partie de nos edt qui y est consacré… D’ailleurs j’en profite pour dire à mon chef de l’année dernière de bien vouloir aller se faire enculer car il a refusé de déplacer une heure quinzaine « pour ne pas que la classe n’est que deux heures d’histoires l’après midi. » Je ne sais pas pourquoi, je détaille autant… Pour dire, on essaye de faire le maximum pour le faire progresser et travailler.

L’école est obligatoire dès 3ans et donc l’année dernière, il est rentré en PS. La bonne nouvelle est qu’on n’a pas attendu une alerte de l’école pour commencer à faire des tests et mettre en place de l’aide… Il est rentré en PS avec un dossier mdph déjà bien rempli. Tellement complet qu’on a eu le droit à 24h d’accompagnement AESH individuel… Si on se permet un peu de jugement. On a eu un peu de chance, lié au fait que le gamin ait un gros suivi et un dossier complet parce que régulièrement les gamins qui ont 24h d’accompagnement indiv, ben, ils ont aussi des troubles du comportement. Ce qui n’est pas le cas du notre qui « juste » ne parle pas et a des intérêts ultra-restreints. L’année s’est passé sans vraiment de problème. Il aime bien aller à l’école le matin (on lui a rajouté un sac en plus dans lequel il balade ses doudous / objets à transporter dont il ne peut se séparer). Pas grand-chose à dire. Au Gevasco, l’ortho et la ref aurait aimé qu’on s’occupe un peu plus de lui sur le plan des apprentissages… mais bon, rien d’alarmant… Après, on n’est pas chiant. Pour le changer, on a acheté une table à langer pour l’école, on a acheté des activités d’ortho, des casques anti-bruit. Généralement en double pour la classe et le périsco. Bon, le repas de midi, ça reste galère. On met un repas avec compote, yaourt, cracottes parce qu’on sait que sinon, il ne bouffe rien… On nous donne tous les semaines un cahier que les aesh et astem remplissent pour nous raconter la journée et ça va. On est plutôt content de le lire.

On remarque quand même que le gamin ne supporte toujours pas d’être au toilette… on sent que la propreté, c’est pas pour tout de suite… et sur l’endormissement, c’est (à ce moment pas encore la mélatonine) compliqué. Il déteste être dans le noir, il déteste être porte fermée, il déteste être tout seul. Il veut être entre nous dans le lit et c’est tout. Il n’y a bien que pendant les vacances où on arrive à le faire dormir avec sa sœur. L’année passe.

On s’en sort mieux cette année, avec la mélatonine, il s’endort plus facilement et surtout on a réaménagé sa chambre et il s’endort avec sa sœur et parfois même il fait la nuit entière là-bas. S’il nous rejoint la nuit, généralement, il s’endort direct. Il arrive encore que ça soit la galère et qu’il gigote de 3h à 7h du mat… Alors la journée et la semaine sont un peu plus dures… Mais, ça va, cette année changement de maîtresse pour la MS, on trouve que ça progresse un peu. On a toujours autant de rdv ortho et psychomot, mais ça va. J’arrive par exemple à me faire une sortie de course à pied toutes les deux semaines de 40/60min. Généralement, je finis quasi en pleurs tellement ça me décharge la tête mais ça me fait du bien et je suis content de reprendre.

On en arrive à aujourd’hui. La grande est en classe verte et ma femme accompagne. J’étais à ma formation bien cool le matin. Je reçois un coup de fil de ma femme vers 17/18h. J’ai déjà récup le gosse chez la nounou. Ma femme a appris qu’apparemment, une bonne partie de l’année dernière, la maîtresse demandait à ce qu’on couche mon fils dans les chiottes handicapés adultes sur le temps du début d’aprèm pour lui faire son temps calme…

Ça reste à vérifier, on va essayer de gagner un peu en précision…

Mais je suis dépité, ça explique bien des choses :

  • Il refuse de s’asseoir sur les toilettes.
  • Il refuse de retourner à l’école quand on va chercher sa sœur à 13h20.
  • Il refuse d’être dans le noir.

Là, telle que ça mouline dans ma tête (et je sais que ça ne s’est pas passé comme ça), je l’imagine entrain de pleurer en essayant d’ouvrir une porte dans le noir avec quelqu’un qui lui dit de dormir alors qu’il ne dormira pas, qui dans le pire des cas va jouer avec les chiottes… Et le soir, comme il est non-verbal, il ne peut pas nous raconter sa journée. Je suis convaincu que c’est pour ça qu’on s’est autorisé à lui imposer ça… C’est une année de perdu à avoir travaillé avec les ortho sur le sommeil et la propreté alors tout était déconstruit tous les jours…

Et surtout, je suis dans une forme de déni et d’incompréhension. Pourquoi on ne nous a pas prévenu que ça se passait comme ça ?

On aurait réfléchi à une solution autre ? On aurait questionné pour le coucher ailleurs comme dans la salle de motricité. J’aurais demandé à mes parents retraités et habitant pas très loin de le récupérer sur le temps de midi et du repos. Le fait qu’on ait essayé de nous cacher l’information. Ma femme l’a appris aujourd’hui, bien un an et demi plus tard fait que ma confiance est totalement rompue. Je suis persuadé qu’on m’a, qu’on nous a sciemment caché l’information tout en sachant qu’on faisait de la merde… On l’a appris parce que le maître qui s’occupe cette année a apparemment contacter le rectorat quand il l’a appris l’année dernière alors qu’il ne s’occupait ni de ma fille, ni de mon fils…Ma femme est dévastée. Je le suis aussi. Une part de moi est contente qu’elle soit en classe verte ce soir car je n’aurai pu retenir mes larmes et la colère si elle avait été à mes côtés ce soir. J’aurai vu sa souffrance et j’aurai explosé.

Je n’arrive pas à me dire que ce n’est pas de la maltraitance. L’idée que la situation est différente de ce que je me la représente, je sais que ça peut-être… mais là, je suis un peu en mode P.K. Dick « la réalité, c’est ce qui continue d’exister quand on cesse d’y croire ».

Et pour revenir à mon début : je suis dépité.

Je le savais… mais je ne l’ai pas appliqué et je m’en veux. Si on se montre, trop gentil, on se fait niquer. Je m’étais dit qu’en étant le plus aimable possible, en étant le plus arrangeant, alors on serait gentil avec mon petit garçon… mais ça n’a pas été le cas.

Faut être ferme, faut être intransigeant, faut exiger d’avoir l’emploi du temps exacte, faut pas laisser de zone d’ombre, faut faire chier les individus pour avoir ses réponses, toutes les réponses, faut pas être sympa, faut exiger ce dont on a le droit. Il faut être un parent chiant. Il y a trop à perdre. Et c’est encore plus vrai qu’on est dans le champ du handicap.

Je ne sais pas trop comment, on va gérer ça. Je pense qu’on va quand même essayer de tirer ça au clair. Au moins voir cette salle où on le faisait dormir… à ce moment là, on verra. Je sais que ce n’est pas comme ça dans toute l’éduc nat. Je suis moi-même enseignant.

Je ne sais pas si le fait de l’avoir tapé va me permettre d’un peu moins en souffrir. Je suis assez pessimiste.

si peut-être…

Finalement, peut-être que heureusement que ça nous arrive à nous. On va le surmonter. On ne va péter des mâchoires demain, on va juste demander de l’aide à nos ortho pour prendre en compte ce nouveau paramètre. C’est un mur, on le sait en plus qu’on allait s’en prendre, c’est une source d’inquiétude qu’on a dans notre quotidien. C’est presque étonnant pour ne pas dire pathétique d’être surpris de s’en prendre un. Mais naïvement, on espérait qu’en faisant notre max, on pourrait les éviter et lui faire éviter. On pensait qu’en se donnant à fond, on pourrait compenser. C’est presque plus notre échec et cette désillusion qui est dure ce soir.

Bon, maintenant, je culpabilise car du coup, j’ai pas corrigé mes copies…